Mise en jambes (argentines)

Dates : 10-11-12/03/11

Rédacteur : Pierre-Emmanuel

 

Plaza Independencia. C’est le rendez-vous. Figurez-vous un européen qui déboule en jean-chemise manches longues dans un bled à 28 degrés (il est 20h45), pour retrouver -sans portable aucun- deux potes. La place étant assez grande, nous risquons de nous louper, donc je tourne, avec mon sac a dos de 11kg. La populace est assemblée en couple qui déambulent ou se délassent ou se bécottent sur les bancs publics, et se regardent les uns les autres.

Je détonne clairement dans ce moment social. Arrivent mes deux sauveurs, ce qui sonne le gong de fin de cette virée de 32h de voyage pour les retrouver. Il faut bien être à la hauteur de leur folie. Passage à l’auberge de jeunesse pour un décrassage et un cassage de croute. Hadrien me présente un vin patagon qui accompagne le maïs-beurre fondu et la viande à merveille.

Dépaysement o-combien désiré, et tranches de rigolades que nous prolongeons dans cette nuit chaude et moite au troquet du coin, refaire le monde à coups de Quilmes (la bière inoffensive locale), discuter avec des gars du cru. Il est 4h selon mon horloge biologique, mais le moral est au plus haut !

 

Lendemain (Vendredi) : réveil dans les lits superposés en bois de l’auberge. Un petit déjeuner à l’européenne nous attends, que nous ‘musclons’ en ajoutant 3 miches de pain de la panaderia d’à côté. Puis rangeage de sacs, et Hadrien m’emmène voir les vendeurs de bicyclette locaux. Nous entamons par une aimable tenancière qui nous propose un vélo type VTC à un prix un peu onéreux. Protestations, négociations, on va voir la concurrence. En la personne de Joben, sorte de Huggy-les-bon-tuyaux argentin. Son antre est un immense cocon de ferraille, de ceux dans lequel on pourrait mourir enseveli et ne se faire retrouver que 6 mois après.

C’est la deuxième visite d’Hadrien, qui m’avait rapporté que Joben me ferait un custom pour pas cher, seulement  pour Samedi au minimum (ça ne nous arrange pas des foules, les blonds sont a Tucuman depuis 2 jours, n’ont envie que de repartir dans la pampa, et moi de la découvrir). Joben, homme aux multiples ressources, sentant notre désarroi, nous propose de louer le vélo d’un de ses potes, pour un prix assez incroyable, et d’ici cet après-midi. Le biclou se révèle un respectable specimen de VTT, très léger, auquel nous entreprenons d’apposer un porte-bagage acheté à côté. Chez Huggy, si tu as besoin d’un truc, tu le cherche (et le trouve) par terre. 3 vis montées et un peu de parlotte plus tard, nous voilà sortis avec un VTT-custom, délestés de 160 pesos (une paille pour 2 semaines de location) et d’une photocopie de passeport. « Con cuidado hé ? » m’apostrophe ce sauveur de mes petites vacances personnelles. Je me jure de le prendre en photo au retour.Ici j’entame un mea culpa. Nous ne partirons que sur les 18H de la ville, malgré un vélo « visiteur » prêt à 15H. A cela deux raisons : je devais ramener aux blonds un appareil photo, que j’ai oublié à Paris ; la seconde est que pour qu’Hadrien achète un appareil, il faut que les magasins rouvrent, soit à 17H30, une fois la grosse chaleur passée.

Nous patientons avec Anne sur la plaza Independancia, offrant nos bribes rouillées d’espagnol à ceux qui trouvent les vélos couchés bizarres. Notamment un très marrant puis très glauque local (tuc-man ?) qui nous parle de sa jeunesse à Paris, puis de la politique puis de Marine le Pen, puis de son taf à la guardia civil, sans transition des groupes « nazi-fascista » auxquels il adhérait à la belle époque. Et puis :départ.

 

Quiconque a circulé en Argentine développe à n’en pas douter la science du carrefour. Il s’agit de ce type de villes américaines construites en grille qui imposent de croiser la circulation perpendiculaire tous les 200m. Or la priorité à droite n’a pas vraiment cours, la signalisation est faible. J’ai personnellement vu le film « Carancho » de Ricardo Trapero avant le voyage, qui traite des accidents de la route à Buenos Aires, si fréquents qu’ils sont un business en soi pour les mafieux de l’assurance.

Suivant mes deux compères, j’avance donc d’un pas prudent voire circonspect. Et puis nous filons vers les Andes sous la nuit tombante, grimpons un minimum avant de nous installer dans la «confeteria », sur conseil d’argentins du coin. Un bâtiment de 1938 aujourd’hui désert, étalé sur un promontoire avec vue sur Tucuman, avec terrasse garnie de petites alcôves rondes et d’une piscine. Dîner, dodo (mérité).

Le lendemain, s’entame ma journée par la découverte du rituel petit-déjeuner, notamment le Gruau. Il s’agit d’un porridge-raisins secs-sucre à ingérer en masse avant l’effort. Francesco, notre voisin d’un jour, descend de sa bicoque minuscule pour nous prodiguer des conseils de route, et nous proposer de l’écouter clamer les vers qu’il écrit.

Nous refusons, arguant que notre espagnol ne nous permettra pas de comprendre quoi que ce soit. Il ne prend pas la mouche et c’est sous sa voix de bel-canto argentin qu’à lieu notre départ. L’effort qui suit est extrême. Les contrées septentrionales que j’ai fréquenté toute ma vie ne m’ont pas armé à encaisser un tel soleil, surtout en pleine ascension. Bien hydratés et crémés, nous nous hissons tout de même jusque San Javier.

 

Il faut imaginer que l’Argentine est une grande plaine que surplombe les Andes. C’est le spectacle de cette plaine que nous contemplons après ces éprouvants (au moins pour moi) 840m de dénivelée positives. S’ensuit une descente endiablée, pendant laquelle je crève deux fois, mais que nous terminerons tout de même jusqu’en bas, plantant la tente entre deux champs de canne à sucre. La chaleur et l’humidité sont élevés, ce qui nous met à la merci des moustiques, pendant qu’en dînant nous observons les nuages noirs se rapprocher.

La nuit commence donc par un orage abondant, puis une pluie soutenue jusqu’au lendemain. La tente tient, le sommeil ?

 

Troisième jour de vélo : nous fonçons vers le sud pour nous ravitailler à Lulles.

Puis-je me permettre un aparté ? En 3j j’ai déjà pu apprécier le charme désuet du pays. Vous n’êtes pas ici sous le règne de l’obsolescence programmée, du plus que mieux. Non, vous traversez une galerie de bagnoles, de la Renault 12 (combien s’en souviennent ?!), à la Peugeot 504, de vieux camions Ford et Dodge (aux énormes radiateurs avant) aux Ford Mustang.

Sous la pluie légère cette journée démarre donc, nous accélérons le petit-déjeuner sous la pression constante des moustiques, pour Lulles, petit village où nous trouverons de l’essence à réchaud chez Antonio, dit « Antonio les trois provinces ». A cette pompe, on pompe littéralement pour éxtraire les centilitres de carburant. « Hay très provincias, Salta, Catamarca, Santiago », nous répète plusieurs fois l’aimable tôlier, qui nous offrira même l’essence, sous nos protestations.

Après un ravitaillement à Santa Lucia et un pique-nique champêtre, nous entamons la montée vers les Andes, avec comme objectif Tafi del Valle. La pente est indulgente (mais constante), et nous nous hissons sur près de 850 mètres de dénivelée. L’environnement est très humide et vert, presque tropical. La route serpente le long d’un rio aux impressionnants rapides. Il fait frais, nous sommes en effet dans « un otro mundo », comme nous le promettait l’épicier de Santa Lucia. La végétation a complètement changé, et après avoir passé le panneau « fin del mundo » (très rassurant), nous élisons refuge au bord du rio pour une nuit méritée, bercée par le bruit de l’eau.

 

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